Grooaarrrrgh!!!
Quand les conditions sont idéales, les organismes se développent de manière titanesque : des dinosaures de plusieurs dizaines de tonnes foulaient les marais et les savanes antédiluviennes. Lorsque les conditions se dégradent, les animaux les plus lourds périclitent au profit des espèces les plus mobiles. La vie, c’est la sélection naturelle et les espèces les plus légères sont souvent les plus adaptées en temps de crise. Finalement, au bout de centaines de millions d’années d’évolution, une espèce de primate de gabarit moyen a supplanté toutes les autres par sa polyvalence et sa créativité.
Comme quelques autres maisons indépendantes (Greubel-Forsey, De Bethune, Hautlence), Max Busser & Friends vient de passer le cap des 10 ans, cap symbolique et ô combien gratifiant, quand on connait l’extrême difficulté de fonder une marque et de la faire durer dans un secteur ultra-concurrentiel et versatile.
Je l’avais souligné dans le détournement de la vidéo La Chute, l’horlogerie est en crise. Celle-ci est évidemment due à la conjoncture économique, mais plus profondément à l’incompréhension des attentes de leur clientèle par la plupart des maisons d’horlogerie.
Ces 20 dernières années, le watch business c’est comporté comme un gagnant du Loto,
dépensant sans compter et sans réflexion : le cash a été soit flambé (rétributions mirobolantes, com’ outrancière & ringarde même pour un lessivier), soit investi de manière douteuse (verticalisation totale, boutique de marque, technologies avant-gardistes vouées à l’obsolescence dans les 10 ans, comme le silicium).
Résultat, si aujourd’hui le flot d’argent se tarit, le coût des infrastructures demeure. Et certains invoquent le Franc fort pour baisser les prix de pièces courantes au catalogue, comme Bvlgari. D’autres, comme Patek, ont baissé arbitrairement les prix dans certaines régions d’Asie.
Eternel retour au concret (vendre une montre de base plus cher qu’une berline de luxe, c’était audacieux), mais aussi très mauvais signe si l’on prend les règles de base du marché de luxe pour référence : on ne baisse jamais les prix, ça veut dire que le client a payé trop cher auparavant.
Depuis le début, comme quelques autres maisons, ils pratiquent une politique de micro-séries, qui garantit une réactivité maximum en cas de changement du marché.
Les premières HM, 1&2 furent surtout des succès d’estime, MB&F avait alors un peu de mal à se démarquer dans la nouvelle vague de l’horlogerie indépendante des années 2000…
une proposition totalement inédite dans l’histoire de l’horlogerie. Avec la HM3 MBandF a trouvé son rythme de croisière, enchainant les succès : HM4, LM1&2, LM101, j’en oublie. Une HM4 RazzleDazzle s’est d’ailleurs échangée pour environ 250.000$ aux enchères, voici quelques jours.
Selon moi, la seule montre en demi-teinte, c’était la HM5, un compromis à la gestation trop longue, elle était décevante, son esthétique manquait d’innovation par rapport à la HM4 et son prix semblait trop élevé par rapport à ses prestations…
Yeah.
Il y a quelques jours, alors que j’envisageais de me rendre à la MAD Gallery pour photographier les pièces de Bâle, Charris m’annonce qu’ils présentent une nouveauté : la HMX.
Ça résonne un peu MégamanX de Capcom sur la Super Famicom/NES/Nintendo, j’aime le nom.
Pour faire court et simple : la HMX, c’est une HM5 plus aboutie et deux fois moins chère.
Cette HM hors-série reprend donc le principe de la montre casquette, qui affiche l’heure indiquée par des disques horizontaux via un prisme qui transfère l’image verticalement sur la tranche/cadran de la montre pourvue d’un saphir.
Autant éjecter le problème tout de suite : comme beaucoup de MB&F, ce n’est pas ultra lisible, mais ça n’a jamais été le leitmotiv de MB&F, qui se targue de réaliser des machines qui donnent l’heure et pas des tool-watches ultra lisibles pour aller plastiquer des navires…
La montre emprunte à deux influences : les supercars des 70’s (l’enfance de Max) et les montres-casquettes de la même période. Dans les deux cas, on reste dans la décennie la plus créative de l’histoire moderne, le pinacle de l’histoire et de la culture contemporaine, entre le renouveau de 68 et l’hystérie libérale-anticommuniste des 80’s.
Les « volets » sur le dessus de la HM5 n’en finissaient pas de nous intriguer, quand le mystère allait-il se dévoiler?
Sur la HMX les volets sont remplacés par un verre saphir et surprise : il dévoile les ponts qui maintiennent les disques d’heures/minutes (ils étaient carénés sur la HM5). Ceux-ci reprennent le dessin des couvre-culasses des moteurs en V des supercars, la couleur varie : noir Lotus, vert anglais, bleu Bugatti & rouge Ferrari.
Comme vous le savez, le rouge va plus vite, donc cette dernière couleur a ma préférence. Le noir est trop sage, ce n’est pas une montre discrète, alors autant assumer.
Difficile en fait de jouer la carte de la discrétion avec un tel OHNI au poignet, même si le boitier a été affiné en comparaison de la HM5 (pourtant cette dernière était déjà très « aérodynamique »), la montre interpellera inévitablement votre entourage. Une pièce qui réussit le tour de force d’être un peu frime tout en ayant un vrai contenu horloger.
Ce boitier en titane grade 5 fait 46.8 mm x 44.3 mm x 20.7 mm, c’est deux millimètres de moins que la HM5, mais l’effet « d’affinage » vient surtout du design des flancs, qui ne sont plus en forme d’ogives mais en forme de soucoupe (volante of course), on passe ainsi de la fusée à la soucoupe, miam.
Il ne faut pas vous laisser tromper par les 20.7mm d’épaisseur, la montre est très fine. La valeur de hauteur provient du genre de « socle » à sa base, qui incorpore les cornes et la masse oscillante en or 22K. Mais au poignet, elle est très légère, gracile et disons-le, ne conviendra pas aux amateurs de montres en bronze-qui-tache de 47mm (arme de catégorie C). Vous pouvez prendre l’avion avec cette montre sans vous la faire confisquer par les vigiles.
Pour en revenir à cette masse oscillante en or 22k, c’est le défaut indirect de cette montre. Je m’explique : intrinsèquement, elle est superbe et apporte une touche de chaleur à l’ensemble. Mais pour réduire les coûts, MB&F a simplifié l’ensemble (moins de composants pour le boitier comme pour le calibre : les coûteux volets sont remplacés par un saphir, le calibre est moins habillé, etc…), bien. Moins bien : la base calibre Girard Perregaux a été remplacée par un Sellita SW300, un clone du Valjoux 2892 (28800 a/h pour 42h de RdM)…
Personnellement, j’aurais préféré que le gain sur le coût de production de la pièce se fasse sur la coûteuse masse en or 22k (20 ou 30 grammes d’or), au profit d’un calibre moins courant : un Technotime par exemple.
Si coté calibre c’est un peu faible, coté habillage c’est certainement la HM la plus aboutie, avec la HM3 et je la trouve même un peu plus harmonieuse que cette dernière.
Mais la plus grande force cette montre, c’est le prix : 29.000CHF, 30.000$,
elle vient se positionner sur un créneau intermédiaire où la concurrence est faible. Plus haut, autour de 50-60k, c’est le pinacle du désir : Lange Zeitwerk, De Bethune DB25/28, Datograph, etc…
Mais dans les 25-30k, on trouve de belles montres mais pas des montres de rêve: IWC Portugaise 75ème anniversaire, ROO Offshore série limitée Bozo-le-Clown, Vacheron American 1921, etc.
La force de MB&F, c’est d’être force de proposition dès que le marché se rétracte : MB&F simplifie le produit, propose un design encore plus pointu, rogne les marges, s’adapte. Cette montre répond à l’ensemble des critiques que j’avais formulées dans ma vidéo « La Chute ».
Aux abris!
TyrannosaurusPifpafex
*Gregory Pons nous précise dans Business Montres du 13/06/15 que la paléo-« Souris » en question s’appelle « Purgatorius ». Merci Gregory.