Bonjour à tous,
J’ai moi-même eu droit à une accréd. réduite, ce qui explique le faible nombre de reportages sur les marques du groupe Richemont sur Foudroyante…
Le bon côté de cette galère, c’est que le temps dégagé m’a permis de visiter les manifestations du « festival off ». En premier lieu le WHPP de Franck Muller, auquel je n’avais jamais eu la chance de me rendre. C’est l’évènement le plus excentré par rapport au SIHH, une voiture est indispensable. De surcroît, il y a toujours des manifestations parallèles (type GTE) qui sont autant d’occasions de se prendre les pieds dans une coupe de champagne.
Pour parcourir la petite dizaine de kilomètres qui le sépare du centre de Genève (Genevois Staïle), on doit subir l’œil (de Sauron) agressif et implacable d’une dizaine de radars automatiques (véridique). A peine arrivé à 300km/h avec Interceptor IV, je dois piler afin d’éviter de laisser mon permis aux autorités (d’autant que la prochaine fois, il y a peu de chances qu’ils me le redonnent). Beaucoup de gomme brûlée sur le tarmac pour si peu de kilomètres…
J’arrive alors dans Genthod, route de Malagny, je vois une affiche « Franck Muller » et comme je suis au taquet, je bifurque immédiatement après. Je parcours une sombre allée bordée d’arbres sinistres, pataugeant dans une allée boueuse au bout de laquelle se trouve un manoir délabré, pas de lumières, personne… Un moment angoissant où la Wonder Week se mue en film d’épouvante.
Evidemment, je me suis trompé d’adresse… Franck Muller, c’est un peu plus loin.
J’arrive enfin dans les locaux de Franck Muller et je passe de Dracula à Bilbo le Hobbit. L’architecture des bâtiments illuminés suscite un émerveillement digne des Hobbits qui découvrent les « Halls Elfiques » dans les romans de Tolkien…
Le bâtiment principal de la manufacture FM a été dessiné par l’architecte Edmond Fatio en 1905. Le manoir combine deux influences : le style des fermes Suisses et Allemandes avec certains codes empruntés aux pavillons de chasse, notamment les grandes baies vitrées. Ce bâtiment a inspiré deux autres constructions récentes qui, avec un quatrième bâtiment provisoire, complètent cette manufacture accueillant 700 salariés.
Tout d’abord, l’une des claques de cette Wonder Week :
En passant en revue les montres présentées par FM, je tombe sur ce truc ou plutôt dans ce truc, un gigantesque trou béant au milieu d’un boitier tonneau, occupé par une gargantuesque cage de Tourbillon !!
Aspiré par le vide, je me retrouve à voguer entre ses rouages disproportionnés.
Le kit presse nous donne ses dimensions : 21.2 mm de diamètre pour la cage (soit environ 25mm pour l’ouverture), à comparer avec un Valjoux 2824 qui fait 25.6mm au total. Ce tourbillon occupe donc l’espace d’un mouvement courant. Forcément, le mouvement complet atteint une taille très conséquente : 38.7mm x 39.6mm x 8.7mm, forcés au chausse- pied à très long manche dans un boitier tonneau de seulement 44mm x 53.7mm x 15.1mm.
Toujours à titre de comparaison, pour se faire une idée plus précise, une Tudor Pelagos fait 42mm alors qu’elle embarque un ETA2824 de 25mm…
Réussir l’emboitage de la Gravity est un tour de force, notamment au niveau des flancs qui ne laissent qu’un espace de 3mm de chaque côté pour rentrer le boitier et disposer le mouvement.
Le communiqué de presse fait également référence aux recherches d’Abraham Louis Breguet et à sa volonté présumée de trouver une solution pour compenser les effets de la gravité sur l’échappement d’une montre de poche portée verticalement.
Evidemment, un Tourbillon plat dans une montre bracelet n’a que très peu d’intérêt en termes de chronométrie, dans la mesure où ce type de pièce est toujours dans des positions intermédiaires. A part les quelques tourbillons rotatifs, type Prescher, Greubel Forsey, Girard Perregaux ou JlC, qui peuvent se targuer d’apporter une solution technologique raffinée (pour un demi-million tout de même), un tourbillon à plat n’a que deux objectifs réels : le prestige et l’amusement.
Niveau prestige, je vous en laisse seul juge, on n’est pas exactement dans le registre du prestige à la « Grand papa » avec le tourbillon Patek caché par un cadran plein façon Calviniste, c’est-à-dire totalement sado-maso.
Voici de nombreuses années, alors que je n’étais qu’un novice de la passion horlogère, j’ai posé la question suivante à un pote :
« – Ca sert à quoi un tourbillon ?
– A rien, mais quand tu te fais chier dans un conseil d’administration, tu le regardes et ça fait passer le temps ».Et c’est la meilleure explication qu’on m’ait jamais donnée.
Dans mon job précédent chez Greubel Forsey, j’ai eu l’occasion de porter un magnifique tourbillon 24 sec. lors d’une réunion. La fascination était totale, cette réunion interminable est passée en un clin d’œil.
Payé pour admirer les circonvolutions d’un tourbillon, quoi de mieux ?
Ce Gravity fera passer vos réunions en une fraction de seconde. Le spectacle de cette immense cage est absolument fascinant et même plus qu’hypnotique, didactique.
Pas besoin de dessins en 3D, d’images de synthèse, d’Icore et autre 3Dfx, non. La lente rotation de la cage (une minute) et la fréquence relativement basse du balancier, 21600 a/h pour 120h de RdM, ouvrent à un nouveau niveau de compréhension de la mécanique horlogère, par l’observation.
Ce choix de basse fréquence est imposé par le moment d’inertie élevé de l’ensemble balancier/tourbillon (CAD : le couple du ressort de barillet nécessaire pour lancer l’ensemble) ; tant mieux, les basses fréquences (18000 & 21600) restent les plus beaux hommages à la chronométrie classique, un peu comme les gros blocs moteurs atmosphériques.
Dans les concours de chronométrie d’antan, les montres étaient dotées de larges balanciers tournant à 18000 a/h, réglés par des maîtres horlogers. La haute fréquence (28800 et plus), la nouvelle mode de l’horlogerie mécanique, est un peu comparable au downsizing des moteurs automobiles : on est supposé gagner en efficacité énergétique ce que l’on perd en noblesse mécanique.
Avec ce Tourbillon de 21.2mm, pas besoin de loupe ; Il faut plutôt reculer d’un mètre ou deux. Passé le choc, on se prend à observer le truc autour du tourbillon, vous savez : le boitier.
La montre présentée dans cette revue est en titane, elle fait 44mm de large sur 53,7mm de haut, cornes incluses. Ce dernier chiffre ne doit pas vous induire en erreur, la Franck Muller Gravity paraît assez ramassée, de taille moyenne.
La surprise de ce boitier titane, c’est le passage au poignet : la montre épouse parfaitement le galbe du bras, on retrouve un peu les sensations des sièges contour des automobiles allemandes, qui se règlent à la largeur du dos.
Par ailleurs, l’épaisseur est visuellement incroyablement bien dissimulée. Ne nous leurrons pas, avec ses15.1mm, le boitier est relativement épais, mais on ne le perçoit pas à moins de l’observer perpendiculairement à la carrure.
La combinaison de la large rainure latérale et de l’arrondi très important du boitier au niveau de la bordure, contribue à atténuer totalement l’effet d’épaisseur perçu au porté. Cette construction astucieuse est la preuve de la grande maîtrise dont les designers de Franck Muller font preuve.
Le cadran et les aiguilles sont minimalistes (on y revient plus longuement dans la revue sur la Vanguard Carbone), trop peut être. Ils reprennent les lignes de la collection Vanguard, une adaptation sport chic et un peu militaire des montres habillées Franck Muller. Cette simplicité est la bienvenue, rien ne doit voler la vedette au Tourbillon. Jamais.
Le dos de la montre est transparent et en dehors de l’ouverture béante du Tourbillon, le fond du boitier est brossé et gravé d’une police cursive. Détail qui est bien entendu un clin d’œil à l’horlogerie du XIXème siècle.
Prix public : 105,000 CHF, autant en €uros et un peu plus en dollars. C’est (trop) cher pour moi, mais c’est raisonnable si l’on s’en réfère au marché des tourbillons. Ce qu’il faut savoir, c’est que ce marché est un peu saturé, le prestige supposé de cet artifice d’échappement ayant entrainé une surproduction de produits beaux mais peu originaux et souvent coûteux sans réelle justification.
Avec la Gravity, Franck Muller propose un produit qui tranche nettement avec la concurrence pour un prix qui reste dans la moyenne des maisons prestigieuses proposant un tourbillon un peu original.
A bientôt.
Pifpaf.