" « Industrie du luxe », je trouve l’expression complètement absurde. Pour moi, le luxe ne saurait être une industrie." Philippe Noiret
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L’exhibitionniste de montres

Le 2 juin 2015
Will
Will

Hei alle sammen!

Les premières montre-bracelets de l´histoire étaient une combinaison de bijoux et d´outils temporels…

Plusieurs centaines d´années plus tard, on en est toujours au même point.

Même si cet article parle de cette relation à la fois fonctionnelle et décorative, je vais tout de même laisser de côté les Hublot, Breitling, Rolex, Audemars.P et autres montres aux personnalisations sauvagement excentriques. Ou par définition celles qui sont fourrées de diamants, rubis, saphirs avec des variations de cadrans façon « léopards vulgairement tachetés dans la jungle moite », ou encore celles qui arborent des variations colorées de « zébrures de la brousse torride et farfelue».

D’ailleurs, puisqu’on parle brièvement des maîtres des « boules-disco scintillantes », je soulignerai que j´aime beaucoup les pierres précieuses, mais  je préfère les admirer portées par une dame élégante que par un dandy-maquereau de boite de nuit ou un oiseau rare arborant un boa en plumes roses, ça esquinte moins les yeux.

Et pour les montres de la jungle, les vitrines du quartier rouge d´Amsterdam avec leurs mannequins portant des strings panthère, auront assez de sauvagerie pour satisfaire mon goût pour l’aventure.

Je vais donc me concentrer sur le sujet de la montre acier «sportive et sobre», qui est aussi devenue un outil utilisé par les exhibitionnistes de l´horlogerie, ceux qui recherchent la gloire et la reconnaissance sociale à grands coups de poignet (comme tout bon branleur) et d´affichage de marque.

  • Mais attention, il faut immédiatement faire la différence entre celui qui s´achète une belle montre pour sa propre passion, son plaisir le plus personnel, sans chercher à se faire remarquer ET celui qui se procure la même montre pour le plaisir beaucoup plus impersonnel du regard des autres, afin de satisfaire son âme de paon frustré et d´acquérir une position sociale artificielle.

Et c´est là que notre exhibitionniste en question se définit.

Il ne se satisfait pas d´un compliment anodin sur la montre qu´il adore secrètement: il veut faire jaillir de lui-même et avec son poignet, une sorte de réussite financière dans tous les champs de vision possibles.
Même si cette montre acquise (souvent à crédit) ne représente pas du tout son propre goût ou sa propre personnalité: il en a tout simplement besoin.
Il la choisira donc pour épater et informer la foule de sa classe sociale, qu’elle soit réelle ou contrefaite…Sa classe sociale ou sa montre.

En effet, les fausses montres servent primordialement à ça.

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Ce qui fait bander l´exhibitionniste, c´est en premier lieu de pouvoir jouir du regard exorbité de ses observateurs: le moment fatidique où la foule consternée voit l´objet en question apparaître soudainement devant eux, comme jailli de nulle part…Ou peut être d´une boutique voisine ou d´un dessous de manteau, qui sait…

  • Comment a-t-il fait? Non, il n´est pas magicien: il a tout simplement une ceinture noire d´ «exhibitionniste de cadran».

Je vais expliquer ses ruses, car c´est bien pour cela que vous lisez cet article: vous voulez savoir ce qui se passe dans les coulisses de l´ensorceleur superficiel.
L´idée primordiale et l´âme du « Maître de l´Apparence »: l´exhibitionniste n´a pas acheté sa montre parce qu´il en est tombé amoureux, ainsi que je l´ai précisé plus tôt…
Nous savons tous que l´amour, le vrai, est aveugle ou basé sur des nuances de sentiments beaucoup plus profonds que la superficialité sans âme.
Nous savons aussi que par exemple, certains personnages se trimbalent avec une pauvre «potiche» qui est bien foutue, juste pour faire baver les copains.
On ne parlera donc pas de passion folle et amoureuse pour la dame en question, mais tout simplement d´un triste exhibitionnisme par procuration.
Il est clair que lorsqu’on utilise une montre pour se la péter dans les bains de foule, on est moins «enfoiré» que quand on utilise une belle demoiselle pour les même besoins.
Mais au fond du fond, on est peut-être le même genre de personnage…Car en fait, tout ce que l´on recherche quand on en arrive là, c´est la possibilité d´impressionner la galerie tout en oubliant son amour propre.

Notre «malfaiteur de l´apparence» se rend donc dans un club de bonne fréquentation: son terrain de chasse préféré quand il est fatigué des boites de nuit exclusives.

Doté de sa montre ultra populaire (Et quand je dis «ultra populaire», je parle d´un modèle qui est reconnu par la plupart des novices en tant que montre très médiatisée, très cotée, et donc chère),

l´exhibitionniste s’approche de ses proies avec un flegme digne des plus grands acteurs de films d´espionnage…

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D´un geste bref et naturel, il étend son bras gauche devant lui en vrillant légèrement afin de sortir son outil temporel et légendaire engoncé sous la manche de son costard. On appelle ça un « ajustage contrôlé de manchette ».

Ceci fait, il lève la main gauche et positionne le cadran de la montre devant son menton afin de se «chatouiller» naturellement et rapidement le lobe de l’oreille droite entre le pouce et l´index. Il peut aussi alterner en se grattant le dessous de l´œil droit. On appelle ça « Le dégainage croisé ». 

Comme ses proies regardent son visage (En effet, elles sont rarement absorbées par les lacets de ses chaussures ou par ses cuisses de moineau…), elles se retrouvent subjuguées par la montre scintillante qui soudainement saute à leurs yeux ébahis… Enfin presque.

L´exhibitionniste s´approche dangereusement et très clairement: le symbole international de l´accomplissement social apparait en tant que logo reconnu et fortement affirmé sur le cadran….La première passe est accomplie en coup-double. Quelle maîtrise…

La deuxième s´exécute aussitôt après, en dégageant la main de son oreille/œil droits et en pointant du doigt «façon pistolet» en direction du barman avec un clin d´œil complice à la «Hmm toi aussi t´es là!»… La deuxième passe est accomplie: on appelle ça « Le tir au pigeon ».

Bien coordonnées, ces deux passes permettront à notre compère exhibitionniste de garder sa montre en pleine exposition, à la hauteur de sa tronche et de ses épaules, durant au moins cinq ou huit longues secondes. Le tout sans risquer de passer pour quelqu´un qui aurait un tic incontrôlable ou une crampe nerveuse.
Arrivant d´un pas nonchalant au bar, il étire lentement une fois de plus son bras gauche devant lui et pointe longuement (d´un doigt légèrement agité par le rythme de la musique), vers son « poison de haute classe » préféré, tout en attendant patiemment que le barman saisisse la bouteille en question et lui serve son verre.

-«Avec deux glaçons s´il vous plaît Carlito…»

Quelques clients accoudés sur sa gauche, ainsi que le barman, se prennent évidemment un coup violent de cadran dans les yeux, leur donnant tout le temps nécessaire pour reconnaître la montre en question…Troisième passe essuyée: on appelle ça « Le pointeur de lune ».
Là, je dois expliquer la formule, car elle s’inspire de Confucius et de sa citation très connue: «Quand le sage montre la lune, l´idiot regarde le doigt».

Mais pourquoi regarder un doigt à la con quand on peut lire un roman écrit sur un cadran de montre?

«Blowlex, Lobster Persillade… Suckmarinade, 1000Fools, 300Mickeys, SuperactiveChronowanker, Office-desk Certified…Made in Swiss. »

  • Temps de lecture : huit à dix secondes. Un record pour un si petit cadran qui a tant de choses à dire…

L´aventure de l´exhibitionniste continue: une fois servi, il saisit son verre de la main gauche et le porte nonchalamment à mi-hauteur de sa cravate rose pâle en se retournant sur la foule qui rôde dans le club.
Il s´adosse légèrement au bar, talon gauche calé sur le repose pied, manche légèrement tirée et bien sûr, montre à découvert pour les passants.
Faisant graviter son verre régulièrement d´un tour de poignet souple afin de remuer les glaçons, il essaie encore d´attirer les oreilles et les yeux vers sa montre mythique. C´est la quatrième passe: celle du «Tourniquet».

Là il attend cinq minutes, mesurant les alentours d´un regard furtif et assuré, portant régulièrement et lentement son verre à ses lèvres: il n´a pas spécialement soif mais il faut bien faire une cinquième passe à la hauteur du menton pour les environs du bar.
Aussi, il pivote de droite à gauche histoire de couvrir encore plus de regards curieux…

On appelle ça la passe du « For youreyesonly » en l´honneur des films références de notre exhibitionniste.

Il est maintenant temps de prendre un bain de foule.

La ballade du club se fera donc le verre à la main, toujours en profilant son cadran de montre qui est maintenant devenu un masque pour sa pince à cravate.
Accostages discrets de groupes, courtes discussions stratégiques accompagnées de lents ronds de bras et toasts régulièrement portés à hauteur de visage pour saluer les connaissances (histoire de garder la manche bien tirée), assureront un affichage de montre sur plusieurs dizaines de personnes, pendant pratiquement une heure.

C´est la sixième passe et elle sera répétée avec des allers-retours au bar…On appelle ça « Le maraudeur de cadran ».

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Après plusieurs verres, le maraudeur fatigué s´accoude au bar: coude gauche et montre saillante bien-sûr.
A cheval sur un tabouret confortable et menton positionné entre le pouce et l´index gauche, il jette des regards fumants aux dames environnantes.
Ses vrillements de poignet lui permettent de frotter fièrement sa barbe fraîche avec ses doigts et de faire miroiter comme un phare de côte le cadran de sa montre située 15 centimètres en dessous de son sourire charmeur.

Là, il attend patiemment qu´une proie féminine s´avance pour commander son cocktail mondain.
Elle s´approche enfin, deux seins pointant agressivement comme des missiles balistiques, engoncés à la presse hydraulique dans une robe fourreau bleue à paillettes.

Il lui propose un verre, comme tout homme accompli et digne de ce nom l´aurait fait.
La belle le regarde brièvement d´un œil suave et lui murmure:

-« Belle Blowlex, mais l’aiguille des secondes saute ou je me trompe ? »

-« Héhé, vous avez l’œil, c’est juste une impression sur ces vieux modèles… Je ne vous ai jamais vue ici… Vous venez souvent? » Glousse-t-il de son bec d´huître.

-« Non, c’est la première fois… En fait, je n´ai pas l´habitude de fréquenter les divas de la quincaillerie dans votre genre… »

-« Je vous assure, c’est une vraie et pour être honnête, je l’ai louée pour la soirée sur un site très réputé… »

Elle s´avance lentement et décidée, saisit délicatement la main gauche de l´exhibitionniste et la dépose sur sa poitrine saillissant de son décolleté outrageux…

-La différence entre mes faux seins et votre fausse montre, c´est qu´au moins les miens font bander…Je préfère Hauldmehard Piquet de toute façon… Merci pour le verre!

Elle s´éloigne furtivement en dandinant son derrière de dinde afin de lui laisser contempler une dernière fois ce qu´il vient de perdre…

Fin de l´aventure…

Vi snakkes!
Will.