SIHH2016 :
Une ode à la platitude. L’apogée du risque minimum. Le summum du rien.
Comme nous le rappelait ce bon Jawad dans cette interview, le SIHH2016, n’était pas franchement folichon… Encore du ravalement de façades de modèles anciens, en particulier dans les montres à moins de 10000chf, la crise entrainant une prise de risque minimum (« je suis en danger, je me mets en position latérale de sécurité »).
Une photo officielle Cartier, la PAM587, photo Foudroyante
Un nouveau boitier, chez Cartier, c’est toujours un événement majeur, le dernier qui a marqué les esprits, c’était la Rotonde, il y a une dizaine d’années. L’attente était donc réelle, d’autant que Cartier à produit beaucoup de belles choses dans le haut de gamme (typiquement, l’Astrocalendaire d’inspiration Greubel Forsey), mais peu de choses intéressantes dans les montres pour « pauvres ».
Voici donc la Cartier Drive, qui réussit à nous surprendre avec un boîtier à mi-chemin entre les dessins tonneau et coussin, il fait un peu penser au boîtier de la Polo chez Piaget, mais en moins baroque-vieille-tante.
Tant mieux, d’emblée la Drive de Cartier est une montre généraliste, sport-chic et probablement plus en phase avec les jeunes générations que les productions classiques de Cartier. Dans un certain sens, elle succède à la très réussie Santos 100, adaptation contemporaine du style art déco de Cartier. La montre est disponible avec 3 types de complications : HMS et date ; Tourbillon simple « Haute Horlogerie » et enfin « Complication » à savoir : second fuseau horaire rétrograde, indicateur jour/nuit, grande date et HMS.
Cette dernière déclinaison est la plus réussie, le boitier de 40*41mm (grand pour une Cartier) disponible en or et acier, se prête bien à l’expression de complications décentrées, celles-ci avec leurs dispositions un peu aléatoires rappellent les Breguets anciennes, ça fait plaisir.
Elle est animée par le calibre automatique 1904-FU MC ; celui-ci a été présenté en 2014, il bénéficie d’une plaque additionnelle qui anime les complications décrites plus haut. Le calibre fait au total 11.5 lignes sur 4mm, il est cadencé à 28800 a/h pour 42h de RdM. Pour un prix d’environ 8.500chf. C’est relativement correct eut égard à la folie collective sur le marché de l’horlo…
Ça c’est la montre. Intéressante, importante même dans l’histoire de Cartier, mais pas révolutionnaire.
Voici la photo en question :
Je sais ce que vous allez dire : « Ouais, c’est un EDC, et alors ? ».
Pour comprendre pourquoi c’est majeur, penchons-nous sur l’origine de l’EDC (Every Day Carry, « Ce qu’il y a dans mes poches chaque jour ») : au départ, l’EDC, c’est plutôt un truc de survivaliste, qui expliquaient à leurs potes se préparant pour la fin, ce qu’ils emportaient chaque jour dans leurs poches, pour affronter la jungle urbaine, généralement, il y avait plusieurs armes cachés, couteaux, flingues de petit calibre, gazeuses, etc. Mais aussi les clefs du 4*4, la gourde, la mini-maglight et la montre !
Les survivalistes (les preppers en VEN ou préparés en VF), rappelons-le, c’est pour les mass médias, des gros méchants fachos-rouge-brun-vert-noir-conspirationnistes, qui stockent des boites de conserve et des fusils, dans des maisons de campagne (prononcer B.A.D, ça fait « trend »).
Comme n’importe quel papy qui se respecte, donc.
Dans les faits, c’est plutôt des bons pères de famille paranos qui se préparent au pire.
L’évolution de l’EDC à travers les âges du web, du survivalisme au luxe
EDC Vol West / EDC Survivaliste Attitude
EDC Truemylens / EDC c’est marqué dessus
EDC / EDC Cartier
Partant des forums survivalistes, c’est passé par les forums lifestyles et horlogers, ou l’on montrait ses richesses : les clefs de sa nouvelle Porsche, son larf en croco et la Rolesque ; puis aux blogs horlogers, pour étaler son nouvel appareil photo.
De techniques de préparations, on est passé à l’étalage de signes extérieurs de richesse, depuis la survie jusqu’au luxe, la société occidentale depuis cinq siècles, résumée en 15ans.
Une autre photo officielle Cartier. Expérience sociologico-google drôle : j’ai fait « image similaire » dans la recherche d’image google à partir de l’image presse, j’ai obtenu des images de forums survivalistes, et images de de dessous de bagnoles rouillées :
Mais on restait toujours dans l’univers bordélique et sympathique des amateurs & passionnés sur le web.
Jusqu’à la Drive de Cartier, qui a fait d’un EDC, une photo d’ambiance officielle.
Ou, dernière hypothèse : c’est la troisième révolution de l’information qui est en route, jusque dans les plan com’ de Cartier ?
la troisième révolution de l’information est en marche.
Comme l’explique notamment Benjamin Bayard, mais aussi ce blog;
Benjamin Bayard a du ventre, des lunettes, il est barbu, il porte une cravate Daffy Duck. C’est un informaticien très crédible, top niveau.
Ce que nous montre l’appropriation d’un code purement issu d’internet par Cartier, c’est que le Zeitgest est sur la toile et nulle part ailleurs. Et ce, malgré le mépris ignare des marques (en général) qui continuent à répartir les budgets com’ selon le principe de Paretto (80% des influenceurs de l’acte d’achat horlogers sont sur internet pour moins de 20% des budgets com’ alloué au web).
Quand le bunker Cartier compile les designs en vogue du moment, avec la com’ qui va bien provenant internet, c’est une lueur d’espoir en ces temps de crises commerciale et créative.
Restez préparés.
Pifpaf.
Puisque dans ma ligne éditoriale, j’ai fait des choix radicaux (contrairement aux médias perroquets), je ne bénéficie pas des nécessaires budgets publicité pour faire tourner le bouclard. Si vous voulez soutenir la création, me permettre de produire plus de contenus, de payer plus de déplacements et de matériel photo ; vous pouvez souscrire à mon nouveau projet, ou nous vous offrons l’occasion unique (et limité dans le temps) d’avoir une montre d’indépendant en météorite pour le prix d’une bonne plongeuse en acier…
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