Salut les amis,
Désolé pour mon absence de ces derniers mois, mais lancer une marque, c’est beaucoup plus chronophage que prévu…
10 mai 2018, j’ai eu 40ans. Putain c’est vieux. A cette occasion il est de tradition de s’offrir une Rolex si on a réussi sa vie, une Patek si on a gagné plein de fric, ou une Hublot si on n’a rien compris à l’horlogerie.
La question qu’on doit se poser en tant que passionné d’horlogerie, c’est comment aller au-delà du simple acte d’achat ? Quelle doit être l’étape supplémentaire ?
J’ai commencé par blogger pendant une dizaine d’années, j’ai monté plusieurs forums et blogs, travaillé pour la plus superlative des marques d’horlogerie, crée et rédigé le média le plus disruptif de l’histoire de l’horlogerie, acheté et vendu quelques très belles pièces. Par élimination, quelle pouvait être la facette du job que je n’avais pas explorée ?
La réponse était la création une montre : plutôt que de me cantonner à un énième acte d’achat, je me devais d’offrir une création au monde, pour voyager jusqu’au bout de l’horlogerie. Pas de bol, je ne suis pas designer. Car comme nous le prouve quotidiennement le succès de la Royal Oak, de la Nautilus ou de la Luminor, la grande question de l’horlogerie c’est le design, pas les complications…
Quand vous êtes le blogger horloger le plus radical de ce cadran galactique, de jeunes créateurs s’adressent régulièrement à vous afin de tester leur concept. Comme j’essaye de ne pas décourager les vocations, je ne suis pas trop méchant, nous dirons qu’en général ils feraient mieux de monter un pressing ou un restau…
Mais pas le jour où David Rutten, un Belge, loin du watch business, s’est adressé à moi (il y’a trois ans, déjà) pour me demander mon avis sur sa montre… La tarte de daron que j’ai ramassé : il me présentait le projet le plus novateur et le plus abouti que j’ai vu depuis des années, y compris chez les grandes marques, doté d’ un design radical, épuré, avec un concept impactant comme un bolide météoritique fracassant le golfe du Mexique.
C’est simple: Rutten is the new Genta.
A ce moment là j’étais comme De Niro dans Mafia Blues.
Dans cette chiennasse de vie, le train ne passe pas souvent, alors quand il passe il faut sauter dedans avec la promptitude d’un « migrant » ninjatant sous un semi-remorque à Calais.
David ne le savait pas encore, mais dans dix secondes on allait travailler ensemble.
Alors pourquoi j’ai sauté sur cette opportunité avec l’opiniâtreté d’un morpion sur la touffe d’un tapin en fin de soirée ?
On vit une triste époque, l’horlogerie tourne en boucle, et le business suit des modes comme la fringue ou les bagnoles, il suffit qu’une marque introduise une faible idée, pour que tous les autres le suivent sans aucune imagination, ni même aucune compréhension du phénomène sociologique… CF la mode des montres XXL, les montres outrecuidantes (qui a dit Invicta ?), des néo-vintages qui n’ont rien compris, puis des néo-vintage réussies, des cadrans bleus, des cadrans blancs pour les Chinois, etc. etc.
Pour lancer une nouvelle marque, il faut avoir plus qu’un produit sympathique ou bien pricé, ou qui coupe le « middle men », à ce sujet, lire cet excellent article, que je regrette de ne pas avoir écrit.
Pour lancer une marque, il faut un concept lourd, un pitch sans faille et un putain de design radical.
Si t’as pas ça khey, ouvre un kebab, va bicrave du zetla, monte une animalerie, ouvre un bar à putes, ne fais pas de montres stp.
Seulement, voilà, la seconde ou David Rutten m’a parlé de « Météorite », il a prononcé le mot clef, le mot qui rend fou. Quelques semaines avant j’avais vu la Dream Watch 5 de De Bethune, une beauté extra-terrestre absolue, taillée dans un bloc de météorite, et bleuie à la flamme. Une des pièces les plus puissantes que j’ai eues en main dans ma vie. 450.000euros. Ouch. C’est loin, mais c’est beau. Cette pièce fabuleuse, souffrait ainsi de la maladie endémique de l’horlogerie indépendante : les prix décorréllés du marché.
Au contraire, notre volonté, n’était pas de produire des montres archi-exclusive, réservées à des milliardaires, mais de baser toute la production de son projet sur la météorite, afin de rendre accessible ce métal unique.
Puisqu’il tombe aléatoirement de l’espace, et même si celui-ci semble un peu moins lointain depuis qu’on envoie des mecs s’éclater en apesanteur, on ne réussit pas vraiment à dépasser le stade du saut de puce, puisque le plus loin ou nous avons été, c’est la Lune à 0.4 millions de kilomètres. La ceinture d’astéroïdes, située entre Mars et Jupiter, se trouve, elle, à 320 millions de kilomètres de la terre.
Mais, une météorite, n’est pas juste un gros lingot de fer et de nickel tombé de l’espace. Pour bien comprendre l’intérêt de ce métal, il faut revenir à la création de l’univers :
Il y a 13,8 milliards d’années, au milieu d’un noir abyssal, d’une densité infinie, d’un silence assourdissant : BANG
Vont apparaitre les deux atomes primaux : l’hydrogène et l’hélium, formants les étoiles. Puis, dans les fourneaux de celle-ci, la nucléosynthèse va générer les éléments jusqu’au nickel, le 28éme. Au fil des détonations stellaires cyclopéennes, des atomes vont se disséminer, puis s’agglomérer, constituant ainsi, les gros cailloux gravitant autour des étoiles, plus communément appelés planètes. Les atomes moins chanceux au jeu des chaises musicales cosmiques, vont former les astéroïdes.
Les noyaux des astéroïdes sont constitués de fer et de nickel, contrairement aux planètes ceux-ci se sont éteint len-te-meeennnt. En effet, dans l’espace, il n’y a pas d’air, donc pas de conduction thermique, le processus de solidification a suivi une entropie de l’ordre de 1 degré tous les millions d’années, ce qui fait que les corps les plus massifs ont mis plus d’un milliard d’années à se solidifier.
Ce délai vertigineux, combiné à la gravité zéro, va engendrer un phénomène impossible à reproduire en l’état actuel de la technologie : l’alliage normalement homogène du fer et du nickel va s’organiser selon une structure cristalline, donc une structure à 8 faces. Une fois la météorite ferreuse coupée par nos soins, on retrouvera les motifs à quatre coté appelés figures de Widmanstätten.
Mais avant de couper l’octaédrite et de découvrir si son motif est exploitable, il faut la trouver. Dans le meilleur des cas, il tombe chaque jour 10kg de métal météoritique exploitable, soit environ 3 tonnes par an (détail du calcul sur le site David Rutten), à comparer avec les 3000 tonnes d’or actuellement minées chaque année.
Puisque la recherche scientifique bénéficie de la primeur sur toute météorite, de très beaux fragments dorment dans les tiroirs des laboratoires. Evidemment, loin de nous l’idée de nous plaindre que les chercheurs fassent leur travail. Mais nous tenions à souligner l’exotisme absolu du fer météoritique. Puisqu’entre: les collectionneurs privés, la recherche et les musées, il ne reste finalement qu’une très petite quantité d’octahédrite disponible sur le marché chaque année, ce qui est un gage d’exclusivité absolu. Même si nous le pouvions commercialement parlant, (disserte de philo du soir : « pouvoir, c’est vouloir »), les quantités de matière première nous contraindront quoiqu’il en soit, à limiter la production à quelques centaines de pièces par an.
Puisque l’octahédrite est centrale dans ce projet, David a été radical en choisissant une montre à guichet, afin de conférer un maximum d’espace à la matière première. Ce choix présente un autre avantage : nous replonger dans les années 30 à 60, quand le design horloger fut à son pinacle ; l’horlogerie sérieuse aujourd’hui comme hier est tournée vers l’art déco. Les montres à guichet pourvues des disques analogiques sont apparues dans les années 20-30. Les années folles, succédants à de la première guerre mondiale, virent la massification des premières montres bracelets, conçues à l’origine pour coordonner les assauts de tranchées. Qui dit montre-bracelet, dit nouveau problème de casse de verres, phénomène inconnu avec les montres de poche bien protégées. Ce besoin de diminuer la surface de verre exposé (en attendant les verres minéraux de meilleure qualité et les larges lunettes les protégeant) rencontrant le style art déco, engendra un nouveau style de montre sport. D’une part, la Reverso, un succès qui a duré jusqu’à nos jours. D’autre part, les montres à guichets, notamment la fameuse Tank… Cette solution, de même que les boitiers coussins avant l’émergence de Panerai, fait partie des grands oubliés du design contemporain. Elle permet pourtant, de mettre en valeur le métal extra-terrestre comme aucune autre… En découvrant les montres à guichet, David, non contaminé par le landerneau horloger et au-delà de la ringardise de ces formes, a su percevoir la puissance mystérieuse tapie sous le « blindage » du boitier. Pour le comprendre, il fallait un œil de designer formé à La Cambre® (ZE école de design de Belgique, autant dire du monde, David m’a parlé de l’enseignement : un mélange de l’entrainement des 12 salopards et de la formation de Ikki des chevaliers du Zodiaque). Mais David a aussi été guidé par sa culture d’ado et d’étudiant : la japanim des 70’, Syd Mead, le brutalisme, le futurisme italien, Schuitten, Horta, ici nous parlons des influences mineures qui dialoguent sous cette chevelure bleu cobalt…
Mais les trois idées majeures qui précédent à la création de la Streamliner sont : la rétro science-fiction, notamment le space opéra US des années 40-50, tout en courbe et en chromes, et leur invitation permanente vers l’infini, l’époque ou le voyage intersidéral, était pour demain. Dans ce cadre, il eut été facile de farmer de la météorite directement, au sein même de la ceinture d’astéroïde ; Malheureusement, les budgets étatiques se sont taris. David, cloué au sol, a dû se contenter d’un télescope et de météorites de collection pour assouvir sa passion sidérale… A défaut de pouvoir voguer dans le cosmos, il a souhaité faire partager sa passion pour le métal extraterrestre en vous proposant l’ensemble de ses créations horlogères taillées dans des météorites.
Après ce détour de 640 millions de kilomètres, revenons aux montres à guichet pour comprendre la troisième influence. Il ne s’agissait pas pour David Rutten de simplement reproduire, connement, (synonymes : horlogèrement ou Netflix…) les canons du designs des années 30, il s’agissait de s’en inspirer pour proposer quelque chose d’actuel… Un peu comme une Panerai Bronzo de 47mm s’inspire, de très loin, d’une Rolex 2533 de 25mm.
Afin de sublimer ce design rétro, David a doté la DR01 de godrons verticaux, dans la continuation de l’esprit streamline, ce sous-courant de l’art déco qui accompagna l’âge d’or du rêve américain : on se souvient des magnifiques trains et bus, désignés notamment par le Français Raymond Loewy… Ces streamlines étaient censées améliorer l’aérodynamisme, ce qui était, on le sait aujourd’hui, de la pure mythologie pré-soufflerie. Peu importe, ce design, dialoguant avec la rétro-SF, reste le chant du cygne du modernisme et l’allégorie de l’American way-of-life. Il reste aujourd’hui quelques pièces de musée, qui fascinent toujours…
Ayant quelques notions de design et beaucoup d’horlogerie, lorsque David m’a présenté ce travail, j’ai su immédiatement que j’avais affaire à un designer de génie et que je devais participer à cet aventure. Pour ne pas dire un jour à mes petits-enfants que j’ai laissé passer le train Union Pacific M-10004 … Pour mener à bien ce projet, il fallait à David une expertise horlogère, une guide dans ce monde de requins aux dents de laiton.
Notre première problématique fut de trouver un mouvement. Car nous vous proposons une vraie montre, c’est-à-dire que cette pièce est construite autour de son mouvement. Nous n’avons donc pas utilisé de bague d’emboîtage de 5mm pour compenser la faible taille du calibre…
Pour être absolument exact, c’était la taille des disques de la complication d’heure sautante qui conditionnait l’ouverture du guichet, mais aussi la grosseur du boitier et, in fine, les détails de design tels que le nombre de godrons…
A ce stade, nous n’imaginions pas que cette étape brûlerait 18 mois d’un temps précieux. Nous approchâmes la plupart des acteurs du marché (à l’exception notable de Swatch Group)… Allant de déconvenues en rire jaunes. On nous a notamment demandé de verser 150.000chf sur un compte pour travailler avec un célèbre fournisseur… Un fournisseur méconnu voulait nous vendre des clones de 2892 à 900chf pièce… Un autre motoriste fa(u)meux nous a demandé 650.000chf pour développer une complication d’heure sautante en ligne. Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, seuls Vincent Calabrese et notre fournisseur maîtrisent cette technologie sur l’étagère. La plupart des heures sautantes du marché ne sont pas en ligne, mais en parallèles, donc adaptées à des boitiers ronds. Comme Calabrese souhaitait travailler sur une base de 2892, nous avons décliné malgré une offre assez raisonnable.
En effet, sachant que les coûts cumulés de la matière première et de l’usinage du météorite (extrêmement complexe, la matière étant à la fois dure et inhomogène) avoisinent le coût d’un boitier en or usiné, nous ne pouvions embarquer dans ce coûteux boitier un clone d’ETA Valjoux 2892, vu, revu, archi-revu et emboité dans des montres chinoises à 200 balles.
Notre calibre devait être beau, de large diamètre, manuel, avoir un plateau propriétaire de disques en ligne et une découpe des ponts personnalisée pour pas trop cher… La quadrature du cercle. Durant ces interminables 18 mois, David n’a cessé de faire des A/R en Suisse (comme tous les vrais designers, il habite à Bruxelles, la ville du design), jusqu’à prendre un abonnement chez Easyjet ; Nous avons été toquer à d’innombrables portes et, tel Sisyphe, j’ai cramé plusieurs trains de pneus à force de drifter sur les routes jurassiennes… Rien. Queue dalle. Wallou, la zèrmi. Toujours : soit des conditions tenant du brigandage de grand chemin, soit les énièmes clones du chiffre de la bête : 666 2892…
Puis, un soir de zonage désespéré sur facebook, je reçois un message un peu énigmatique de David, il a trouvé un indice sur une montre heure sautante improbable, c’est-à-dire qu’il connaissait la position approximative du fournisseur, mais pas son nom… Quelques recherches plus tard, je le trouve en suisse allemande… On s’aperçoit rapidement qu’il possède le calibre qu’il nous faut. Mais que cette complication ne fonctionne pas sur ce calibre… Encore une déconvenue ? Et ben non. Notre partenaire mouvement va adapter pour nous, en toute simplicité, sa complication d’heure sautante sur son calibre phare. Enfin de la fluidité, enfin en propulsion hyperluminique, enfin nous pouvions sillonner la galaxie horlogère !!
Donc, ce calibre, qu’en est-il ? Il y a quelques années, j’avais fait la remarque qu’il n’existait aucun calibre sur le marché d’une taille intermédiaire entre le 7750 (30mm 13 ½ lignes) et l’Unitas (36.6mm, 16 ½ lignes).
Jusqu’au calibre DR01 à heures sautantes : calibre rond, il fait 33.3mm soit 14 ¾ lignes, pour une épaisseur d’environ 8mm avec ses disques (ce qui reste une épaisseur contenue si l’on considère qu’un 7750 fait dans les 10-11mm avec ses aiguilles). Il est cadencé à 28800 a/h (4hz), pour 120heures de réserve de marche, ce qui vous permet de passer une semaine de travail sans avoir à le remonter.
David Rutten a opté pour une déco « octaèdre » sobre et un traitement « Ruttenium » des ponts, afin de rester dans le thème météoritique. Vous noterez que les côtes de Genève sont dans l’alignement des godrons, afin de préserver une cohérence visuelle avant/arrière. Evidemment, la décoration reste semi-industrielle… Désolé les gars, des anglages main et des côtes de Genèves à la Philippe Dufour auraient renchéris le cout de reviens à un niveau qui aurait rendu la pièce inaccessible au plus grand nombre des passionnés d’horlogerie… Notre objectif est d’offrir une expérience d’horlogerie indépendante novatrice et puissante pour le prix d’une belle montre standard.
Parmi les grandes joies de mener un tel projet comme celui-ci, il y’a le bonheur de découvrir les nouveaux calibres. Lorsque notre fournisseur m’a présenté les calibres, j’ai commencé à jouer avec la couronne jusqu’au saut de l’heure : « Clack », propre, net, sans bavure, un tir de torpilles rebelles sur le cœur de l’étoile de la mort. Le système d’heure sautante bénéficie d’une conception récente, le saut se fait sans embrayage préalable du disque d’heure (où celui-ci revient un peu en arrière à partir de 57minutes sur d’autres pièces moins bien nées), d’un saut recta, il n’y a pas de tremblements ou d’oscillations perceptibles. Et surtout, même emboité, vous continuerez à l’entendre sauter, ce qui vous fait une complication sonore en prime.
Une fois les côtes du calibre connues, nous pouvions enfin commencer l’usinage du boitier. Au départ, David voulait des dimensions plus fluettes et plus rectangulaires, avec un boitier d’environ 33-34mm, mais ça posait deux problèmes : les dimensions du guichet étaient trop étroites pour permettre une lecture aisée pour les quinquas et selon moi cette taille faisait trop « bijou art déco », et pas assez « instrument de l’espace » pour space-marine en expédition punitive… Bref, grosse discussions avec David à ce sujet. Le mouvement de 14 ½ lignes de notre partenaire fut notre juge de paix. En partant d’un mouvement de 33mm et en laissant juste 2mm de matière de chaque côté, la montre ferait forcément 37mm avec un calibre emboîté au chausse-pied, comme aux temps bénis ou l’horlogerie était une industrie sérieuse…
Le gabarit connu, nous devions faire à la grande inconnue : la météorite est-elle seulement usinable au niveau de précision nécessaire à la réalisation d’un boitier de montre de série ???
La discussion que j’avais eue avec Denis Flageollet quelques années auparavant au sujet de la Dream Watch 5 de De Bethune, ne me paraissait pas engageante, tant ceci paraissait presque irréalisable pour une série…
Comme assez souvent avec David Rutten, son optimisme était de fer météoritique. Pour ma part, j’étais un peu dans la parano, m’imaginant un charnier de fraises en métal dur…
Finalement, l’affaire fut ardue mais pas irréalisable : la production de série est possible. Divers ajustements des plans initiaux et divers retards indépendant de notre volonté ont entraîné quatre mois de retard supplémentaires…
Ces dernières semaines ont achevé de me rendre fou comme un rolophile à qui on annonce huit ans d’attente pour la nouvelle Daytona… Nous nagions en plein MMORPG, quand t’es lvl1 et que tu galères. Où l’on doit enchainer plein de quêtes de collectes à la con, ultra-chronophages, et ultra fumeuse de pneus, pour crafter l’objet magique nécessaire au démarrage de la série des quêtes suivantes….
Je vous passe les détails, mais on a passé une bonne partie de notre temps entre emails, coups de téléphone et trajets stupides pour récolter tous les composants nécessaires à la fabrication des cinq prototypes.
Ceci peut sembler anodin, mais en 10 ans de blog horloger, j’ai vu certains projets se vautrer sur la ligne d’arrivée, problèmes de quotations d’usinage, de complications mal réglées, mal conçues, impossibles à mettre au point… Et vu les difficultés que nous avions rencontrées avec le prototypiste de boitier, je m’attendais au pire.
Et bien non. Elle EST. N’ayant pas d’enfant, je ne peux qu’extrapoler ce que je vais vous dire. Je suppose que lorsqu’on attend le premier, on a des attentes, on attend « A ». Mais rapidement, cet enfant va vivre sa vie, depuis « A », jusqu’à « C », « M », « Z ».
C’est le sentiment que j’ai eu avec cette pièce, qui dès sa naissance, timide, sur le bureau de David, était déjà à la lettre « E »… Première claque : elle semble beaucoup plus imposante que dans la version maquette et sur les images de synthèse, de prendre vie lui a conféré un surplus d’énergie. Si vous avez déjà assisté à un enterrement, la personne décédée semble ratatinée par rapport à ce qu’elle était de son vivant. Ici, c’est l’effet inverse, nous avons l’impression d’avoir animé le golem, elle prend toute sa puissance en fer et en nickel.
Seconde bonne surprise, les proportions que nous avions définies empiriquement sont les bonnes, le guichet est au bon endroit et suffisamment ouvert pour permettre une lecture aisée, mais pas trop pour laisser à la montre tout son mystère et sa puissance. Car cette dernière caractéristique a été la grande surprise pour moi. Connaissant les montres à guichet depuis longtemps, je les trouvais je les trouvais ringardement sympathiques, mais c’était pour moi l’inverse de la montre puissante… Je réalise qu’une cure de stéroïdes et un gros lifting sont parfois nécessaires pour sublimer un dessin. En fait, cette montre chie des bulles, on dirait une bête extraterrestre, un gros insecte biomécanique lové dans le vide spatial attendant stoïquement son déjeuner. En passant cette montre, je regrette à chaque fois de ne monter que dans ma voiture et pas dans mon vaisseau spatial pour aller explorer de lointains systèmes stellaires. D’ailleurs, à propos de bagnole, j’ai ce rare sentiment d’avoir un instrument puissant en passant cette montre au poignet, comme je l’avais quand j’étais au feu rouge avec ma Merco E500, les deux pots fumant comme des locomotives, le V8 5.5 tournant à 750 tours/min, le pied droit prêt à appuyer sur l’hyperpropulsion.
Le côté « blindé » des premières montres à guichet est magnifié, c’est un objet un peu mystérieux et un néophyte aura du mal à comprendre ce dont il s’agit, il n’y verra qu’un Objet Horloger Non Identifié.
Cette pièce devrait vous permettre d’agrémenter votre drague dans les bars : expliquer à votre prospecte que cette montre est faite d’un métal qui gravitait jusqu’à une date récente à 320millions de kilomètres de la terre devrait vous attirer l’attention nécessaire à la placer sur votre (or)bite.
Si elle doute, il suffira pour la convaincre de lui montrer les motifs géométriques fascinants, inimitables, de la météorite. Motifs uniques, puisque chaque montre aura son propre réseau de Widmanstätten. Celui-ci aura une architecture différente suivant les séries de Streamliners, suivant la règle, un millésime, une même météorite. Mais certaines pièces auront également des inclusions en cobalt, dont le rendu anthracite contraste incroyablement avec la couleur presque blanche du ferronickel. Le cobalt s’est inséré dans la matière à l’état liquide, sans néanmoins fusionner avec le reste. Les inclusions prennent la forme de gouttes d’huile anthracite dans un verre d’eau claire, c’est extrêmement impressionnant et impossible à réaliser en gravité !! Ma montre personnelle est pourvue de ce type d’inclusion, elle rend d’autant plus intense l’expérience d’une matière naturelle brute comme boitier de votre montre. Comme les montres en bronze, il faut savoir aussi que la matière va se patiner, rendant certains motifs plus visibles, en fonction de votre transpiration et du tripotage de montre, continuant l’expérience de vie de l’objet.
Premiers payeurs, premiers servis : ceux qui souscriront immédiatement au projet auront la primeur sur le choix des boitiers du millésime en cours…
Au sujet de l’expérience avec la montre, le confort était essentiel dans la conception. Que ce soit le confort de lecture : au travers de ce grand guichet et de la couleur des index qui va changer pour un jaune flash type gilet de sécurité (oui, oui « Gilet jaunes » ®), car le doré actuel est trop sombre par faible lumière. Mais aussi confort au porté : afin d’éviter les allergies, le fond et la couronne sont en titane. Le boitier est galbé et pourvu de cornes basses qui conviennent à tous les poignets, ce qui vous le fera oublier malgré ses 120 grammes avec bracelet… Il y’aura d’ailleurs deux bracelets dans l’écrin : le bracelet en python noir satiné, et un bracelet sport en veau nubucké.
Toujours pour conserver une expérience totale, l’écrin de la montre sera constitué d’un mini-observatoire astronomique, la montre trônant en lieu et place du télescope.
Alors, à ce stade, vous vous dites « arrête ton char Malik », combien ? La question du prix était la plus délicate. Mais ce qui m’a convaincu d’adopter notre stratégie tarifaire, c’est cette petite phrase d’horlogers indépendants que tous les bloggers ont déjà entendue : « oui, notre pièce est magnifique, mais on n’a pas les moyens de se la payer ».
Une des phrases les plus frustrantes du business horloger : vous faites des montres sans pouvoir vous les payer ? Croyez-vous seulement à votre projet…? Est-ce que moi je pourrais me payer une DR01 Streamliner ?
Donc, pour cette souscription, nous avons choisi de pratiquer un tarif d’agression totale, afin que tous les passionnés puissent se payer, au moins cette fois-ci, la Streamliner, puisqu’il s’agit du tarif d’une Rolex ou d’une Panerai sympa : 8500 €uros, ou 9850 usd, ou 9850 chf (le prix de base est calculé dans cette devise en cas d’explosion des taux de change). Oui, oui, moins de 10 tickets.
C’est plus une agression, c’est un hold-up intergalactique, on envahi une planète pour lui braquer ses ressources.
Il que vous sachiez que les coûts de la matière première et de l’usinage sont équivalents au prix d’un boitier en or 18 carats usiné… Nous gagnons très peu d’argent sur chaque montre. Mais en tant que passionnés d’horlogerie, nous souhaitons offrir l’occasion unique d’accéder à une pièce d’indépendant et nous voulons également que le projet vive, que les collectionneurs des classes moyennes puissent vivre l’expérience Rutten météoritique, qu’ils la partagent sur les forums, sur les réseaux sociaux, dans les dîners horlogers. Que nos pièces ne soient pas juste d’inaccessibles anecdotes fugacement commentées par les bloggers les plus pointus.
Nous ne faisons pas des montres pour les coffres, nous faisons des montres pour les passionnés.
C’est pourquoi les 88 premières pièces seront en vente jusqu’au quatrième trimestre 2019. Evidemment, passé ce délai de souscription, nous pratiquerons le tarif normal pour cette montre, 14.850€, soit 16.850 usd ou 16.850 chf (sous réserves que les taux de change n’implosent pas d’ici là, le prix de base est en CHF).
Les souscripteurs clairvoyants auront deux options de paiements et deux types de remise :
Comme vous le constatez, en tant que passionnés, nous avons revu l’horlogerie dans toutes ses dimensions pour sortir de ses carcans trop étriqués du business… Afin de vous offrir une expérience totale. Qui nous l’espérons, vous transportera au-delà du village global, via l’artefact météoritique, vers de l’ultime frontière, celle de l’infini. Celle où tout est encore possible.
Si vous souhaitez venir toucher un morceau de météorite, qui provient de la ceinture d’astéroïde, vous pouvez nous visiter à Baselword : 1er étage, à la mezzanine, dans l’incubateur.
A bientôt.
Malik.